Petit exercice de sémantique 101 pour y voir plus clair et faire le bon choix
En 1995, John P. Kotter publie dans le Harvard Business Review un article qui va devenir une source d’inspiration pour toute une génération de gestionnaires et de consultants : Leading Change: Why Transformation Efforts Fail (“Conduire le changement : pourquoi les efforts de transformation échouent”). En 1996, son ouvrage Leading and Change (« Conduire le changement ») décrit les 8 étapes permettant de transformer une entreprise et devient un best-seller mondial.
Vingt ans plus tard, malgré les efforts déployés et les sommes investies par les organisations dans la gestion du changement « 70 % des programmes de changement n’atteignent (toujours) pas leurs objectifs. »
Plusieurs raisons expliquent pourquoi le modèle de changement défendu par Kotter ne fonctionne pas. Parmi d’autres :
- les programmes de changement « à la Kotter » privilégient une approche Top-Down. C’est la haute direction de l’organisation qui définit les orientations, la stratégie et le tempo du changement. Dans ce scénario, la haute direction et les leaders du changement doivent impérativement partager la même vision et tous aller dans la même direction. C’est rarement le cas. Parmi les facteurs qui contribuent le plus à l’échec des programmes de changement figurent « les comportements des gestionnaires qui ne soutiennent pas les changements, dans 33 % des cas »;
- les étapes du changement sont linéaires et séquentielles, chacune devant être déployée dans l’ordre et au moment prescrit par un plan de match hyperdétaillé. La rigidité du modèle le rend inapplicable dans un environnement d’affaires où perturbations continues et reset in mind-sets and behaviors (something that few leaders know how to achieve) sont la norme;
- si l’avantage du modèle Kotter réside dans son caractère générique, « sa déclinaison opérationnelle peut être bien différente selon le changement subi et le contexte de l’entreprise concernée. » One Size Doesn’t Fit All.
Une autre raison expliquant les piètres performances de ce modèle vient peut-être du fait que les parties prenantes (haute direction, gestionnaires, employés, consultants) confondent « changement » et « transformation ».
Quoi qu’en disent les gérants d’estrade autour de la machine à café, la plupart des organisations gèrent bien le changement, et ce, malgré qu’il y a toujours place à l’amélioration. Comme le souligne la Banque de développement du Canada, « qu’il s’agisse d’un changement dans la gestion des stocks, de la mise en œuvre d’un système de planification des ressources de l’entreprise ou du lancement d’un produit, (votre entreprise) est constamment en mode “gestion de projets” ».
Pour peu que l’organisation applique avec rigueur des principes et outils de gestion courants comme l’analyse de rentabilité (Business Case), la planification des étapes du projet, la définition des livrables et indicateurs de performance, le suivi du budget et des échéanciers, etc., de manière générale la mise en œuvre du changement produit les résultats escomptés.
Cela tient au fait que la « gestion du changement » implique la mise en œuvre d’initiatives bien définies ayant une portée clairement circonscrite. Si le changement peut (mais pas nécessairement) affecter le fonctionnement de l’organisation, il ne remet pas en cause son modèle d’affaires ou ses orientations stratégiques.
L’implantation d’une solution d’entreprise comme un système de gestion intégré (ERP) permettant d’optimiser une chaîne d’approvisionnement ne signifie pas que votre organisation va changer d’ADN pour se lancer dans la mise en marché d’un nouveau produit ou service. Le changement vise à améliorer l’exécution de tâches précises et maîtrisées grâce à un meilleur contrôle des coûts et des gains de performance. Si l’exercice n’est pas de tout repos, il fonctionne et le marché des ERP se porte très bien. À preuve, la montée en puissance et l’adoption quasi généralisée des solutions infonuagiques de type Software as a Service (SaaS).
Un programme de « transformation », c’est autre chose.
- Comme son nom l’indique – « transformation organisationnelle » –, un tel programme concerne toute l’organisation.
- Il met en jeu des départements, fonctions d’affaires, individus, processus, façons de faire et habitudes fortement implantés, interdépendants et interconnectés.
- L’objectif de la transformation est de redéfinir l’organisation et son modèle d’affaires sur la base d’une mission et d’une vision renouvelées en réponse à l’évolution de son marché : « Les coups de circuit d’hier ne font pas gagner les parties d’aujourd’hui. » (Babe Ruth).
- La transformation est beaucoup plus imprévisible que le changement.
- Sa mise en œuvre est itérative, pas séquentielle.
- La méthode essai-erreur doit guider les initiatives, car la transformation est un processus créatif de découverte et d’expérimentation dans l’exécution.
- Les facteurs de risques d’une transformation sont plus nombreux que ceux du changement.
- Ses conditions de succès sont plus difficiles à réunir et à orchestrer.
- La transformation peut échouer.
Trop d’organisations de se font « embarquer » dans des projets de transformation à haut risque alors qu’un programme de gestion du changement bien calibré répondrait parfaitement à leurs besoins. Inversement, trop d’organisations s’imaginent qu’un projet de transformation organisationnelle passe par l’adoption de nouvelles technologies, tout simplement. Dans les faits, ce sont le dépassement des échéanciers, une mauvaise définition de la portée du projet, le manque de ressources et un leadership mal orchestré qui sont responsables de l’échec de la plupart des programmes, qu’ils soient de « changement » ou de « transformation ».
Une solide dose de flair, d’expérience et de pragmatisme sont nécessaires pour déterminer le type de programme et le plan de match les mieux adaptés au résultat que vous visez. Parlez-en à nos experts-conseils! Ils en ont vu d’autres et peuvent vous prémunir contre bien des cauchemars éveillés.